Comment se gère la menace du covid-19 au Tchad ? Sylvie, institutrice dans une école de Bitkine, une petite ville du Guéra, dans le centre du Tchad, présente les mesures qui ont été mises en place et comment elles sont vécues.

Le 19 mars, un premier cas positif était déclaré au Tchad et dans la foulée l’Etat a pris différentes mesures : interdiction de tout rassemblement de plus de 50 personnes et donc fermeture de tous les établissements scolaires – car une classe à petit effectif limité est de 50 personnes ! –, fermeture de tous les lieux de culte, fermeture de l’aéroport, interdiction de circulation des bus, fermeture des bars, cabarets et restaurants, et sensibilisation aux gestes barrières. Ceux-ci sont difficiles à mettre en œuvre dans une culture où le toucher est important dans la communication mais aussi pour vivre. Par exemple les élèves arrivant au collège où j’enseigne, s’asseyent spontanément à 4 ou 5 sur un banc de classe prévu pour 2 !

Le lendemain, notre cuisinier est arrivé à la maison en disant « la maladie est arrivée… ». Il a fallu lui apprendre les gestes barrières et comme ceux-ci sont difficiles à mettre en place dans sa famille, nous avons choisi en communauté qu’il ne vienne plus que 3 jours par semaine et qu’il ne fasse plus la cuisine. Il continue de faire le marché où la promiscuité est courante et nous nous occupons de passer l’ensemble des achats à l’eau javellisée…

Lavabo à l’entrée de la concession

Nous avons aussi discuté en communauté sur ce que nous allions essayer de mettre en place à la maison comme geste barrière. Ainsi nous avons installé un système avec de l’eau pour permettre à toute personne entrant ou sortant de la concession de se laver les mains avec du savon et une eau javellisée (la bonne odeur des piscines françaises !).

Nous nous sommes lancées dans la confection de masques en tissu à partir des matières que nous avions à la maison. Et Leo, une sœur de la communauté, a accompagné l’atelier couture de la paroisse pour en réaliser pour le personnel soignant de l’hôpital et des centres de santé de Bitkine. Ce ne sont pas des masques médicaux mais c’est mieux que rien !

Sakane

Une autre sœur, Marie-Thérèse, a continué à aller travailler à Mongo en mettant en place dans son bureau et avec ses collaborateurs les gestes barrières. Ainsi, des sakanes (sorte de « bouilloire » en plastique utilisée pour se laver les mains ou pour les ablutions) ont été achetés ainsi que du savon pour permettre à chacun un lavage fréquent des mains.

Et pour ma part, à l’école, la technologie n’est pas très développée – il est vrai qu’il n’y a pas l’électricité partout ! – et je n’ai pas la possibilité d’assurer une « continuité pédagogique » avec mes élèves. De même, les églises étant fermées et les rencontres interdites, la pastorale s’est trouvée très réduite. J’ai donc eu un changement d’activités. J’ai un peu continué en pastorale en créant des fiches pour des neuvaines, à diffuser dans les familles, et d’autres outils pour essayer de soutenir la prière familiale.

En effet, sans églises, les communautés se sont peu à peu organisées pour la prière dominicale, sans se rassembler tous ensemble. A Bitkine, deux-trois familles se retrouvent le dimanche pour un temps de prière avec la Parole de Dieu. Dans les villages, c’est par quartier que les habitants se retrouvent autour du catéchiste qui habite ce quartier pour une ADAP comme on dit ici (une assemblée dominicale en absence de prêtre). Ils y sont habitués mais là ils ne peuvent plus se retrouver tout le village dans l’église. À Banama, la cloche de l’église sonne pour le début de la prière le matin ; puis elle sonne une seconde fois pour que ceux qui désirent communier se retrouve à l’église pour le temps de la communion. Il y a souvent peu de baptisés dans nos communautés, qui sont avant tout des communautés catéchuménales, avec aussi de nombreux sympathisants. Par exemple, à Mankossine, il y a quatorze baptisés, une vingtaine de catéchumènes et une cinquantaine de sympathisants ! A la maison, en communauté, le dimanche, nous avons choisi de suivre la messe sur KTO ensemble.

Ce temps offert à la saison chaude m’a permis de vivre sur un rythme plus ralenti et donc de mieux vivre la chaleur… Ce fut aussi l’occasion d’expérimenter une « téléretraite » avec WhatsApp et mail pour l’accompagnement.

Voilà un aperçu de ce que nous vivons par temps de pandémie. Le nombre de cas augmentant de plus en plus au Tchad (surtout à Ndjamena), les restrictions augmentent aussi : un couvre-feu a été instauré entre 20h et 5h, il n’est plus possible d’entrer ou sortir de la ville de N’Djamena, le port du masque ou cache-nez est obligatoire sur l’ensemble du pays…

Et avec nos frères et sœurs tchadiens, nous apprenons à vivre au jour le jour, ce qui leur est plus naturel qu’à nous… inch Allah ! nous en remettant toujours davantage à la Providence.