Pendant le confinement, plusieurs Auxiliatrices ont fait des permanences d’écoute au téléphone. L’une d’elle nous partage son expérience et ses réflexions.

A la demande du gouvernement, la CEF (conférence des évêques) et la CORREF (conférence des religieux et religieuses) ont mis en place une cellule d’écoute gratuite, de 8h du matin à 22h, durant le temps du confinement. Nous étions de nombreux écoutants : laïques, religieux, religieuses, prêtres, … J’y ai participé entre 21 et 22h, le soir, durant environ 2 mois.

Que dire de ces temps d’écoute ?

J’ai entendu des appels de personnes seules ou en souffrance : certaines m’ont appelée plusieurs fois, voire 3, 4 fois ou plus… On se reconnaissait !

Qu’est-ce que j’ai entendu ?

La souffrance de personnes âgées, de personnes blessées par la vie : divorce, éloignement des enfants, deuils… Souffrance de la solitude, souffrance personnelle de mal être, souvent des personnes en analyse… La souffrance d’une personne qui, sous le coup de multiples informations où elle se noyait elle-même, était dans une angoisse telle qu’elle ne voulait plus vivre à Paris où la vie était trop dangereuse… Où aller ?… Et quand on évoquait des hypothèses, aucune n’était satisfaisante pour de multiples raisons. La souffrance aussi de cette jeune femme dont le mari « pétait les plombs » avec le confinement ; la vie devenait dangereuse à la maison avec deux tout petits (2 ans et 7 mois). « Que dois-je faire ? Je sens que mes enfants ne sont plus en sécurité », disait-elle avec angoisse… En même temps, l’amour tenait dans le couple !… La souffrance aussi d’une foi éprouvée par cette pandémie si brutale et inattendue !

Ces personnes avaient besoin de se dire, de lâcher leur angoisse ; besoin d’une oreille qui entende leur détresse ; des personnes aussi qui apportaient leurs recherches spirituelles avec angoisse. « On dit que Dieu est tout puissant et pourquoi le Corona virus?… Pourquoi Dieu ne fait-il rien… » ; « A quoi ça sert la Foi si Dieu ne fait rien ?… »

Et moi, écoutant tout cela : Que dire ? Que faire ? Que répondre ?…

Le sentiment le plus fort a été celui de me sentir complètement démunie, surtout que la consigne était d’écouter, sans chercher de solution… Ce n’était pas le but. J’ai senti, au fur et à mesure des semaines, que la prière vécue au téléphone apportait comme une paix, sans rien résoudre bien sûr… J’ai très souvent proposé de prier… Et les personnes acceptaient. De mon côté, j’ai porté ces personnes dans la prière durant tout ce temps, y associant ma communauté. N‘est-ce pas cela qui a été le plus efficace ?…

Il y a bien eu des soirs où je me suis demandé à quoi ces temps d’écoute servaient. J’ai senti mon impatience à entendre les mêmes questions qui me lassaient, tiraillée entre la souffrance de ces personnes, leurs questions et mon impuissance. Il est arrivé aussi que ces questions m’irritent : je ne pouvais pas répondre tant les formulations exprimaient des traces profondes d’une Eglise qui n’est pas à l’écoute, qui transmet une morale, des préceptes et qui ne met pas vraiment en présence d’un Dieu d’amour et de miséricorde. Les gens sont comme « enchaînés » dans des images de Dieu qui n’ont rien à voir avec le Dieu de l’Alliance, le Dieu d’amour manifesté en Jésus-Christ. C’est Celui-là que j’aime et que je cherche… Et les gens sont tellement « confinés » dans leurs images enracinées dans un dogmatisme qui n’a rien à voir avec le Dieu des béatitudes !…

Finalement, au-delà de mes difficultés à vivre cette mission, j’ai été heureuse de l’accomplir, heureuse d’avoir répondu à cet appel de l’Eglise. Je sens fortement combien il est important que l’Eglise soit proche de toutes ces personnes en souffrance – « le tout-venant ». Comme notre pape a raison de nous diriger vers les « marges », de nous faire sortir de chez nous et d’aller « sentir les brebis » là où elles sont… Que par nos déplacements, nous puissions contempler Dieu à l’œuvre dans toute l’humanité et manifester un peu plus combien « Dieu est Amour », « Maître Ami de la Vie ! » (Sag. 11, 26).

Lire aussi le témoignage de Françoise.