Mission à CALAIS

Nous sommes 3 en mission à Calais pour assurer une présence auprès des nombreux exilés qui transitent par cette ville. Nous sommes en lien avec le Secours Catholique, Caritas France, qui a ici un vaste lieu d’accueil avec de nombreux bénévoles. Les exilés peuvent être parfois 500 et plus dans ce lieu l’après-midi. Leur présence est le reflet des guerres, des difficultés à survivre dans certains pays… Beaucoup sont très jeunes, ils ont fait de très longues routes périlleuses, et ont parfois subis des tortures, des viols…
Mais ils vivent ici dans des conditions inhumaines : ils sont harcelés par tous les moyens par les forces de l’ordre pour les décourager à rester sur Calais. Soumis à de fréquents démantèlements de leur lieu de vie, ils perdent leurs affaires personnelles, papiers, téléphones, vêtements, parfois leur tente. Dans leur campement, ils manquent d’eau, d’accès aux toilettes, de sécurité. Ces conditions de vie et les violences subies (coups, gaz lacrymogène etc.) ont de graves conséquences sur leur santé physique et morale. Nous avons eu à déplorer un grand nombre de morts ces derniers mois (noyades dans la Manche, accidents en montant sur les camions, suicides par désespoir devant la menace de l’envoi au Rwanda à partir de l’Angleterre…).
Profondément touchées, mais bien démunies, nous essayons chacune d’être une présence fraternelle. Que le Seigneur nous aide à laisser transparaitre son visage !

Agnès

À Calais depuis septembre 2021, je participe à l’accueil du Secours Catholique plusieurs après-midi par semaine. Les exilés de tous pays y viennent nombreux. Cela me permet de les écouter, d’entendre ce qu’ils vivent. Ils racontent parfois leur parcours pour arriver à Calais, à l’aide d’une carte ; il m’arrive de les soigner ; des liens se créent ainsi peu à peu… Leur situation inhumaine à Calais me touche beaucoup et souvent me révolte… Comment les policiers peuvent-ils se conduire de cette façon ?! Ce lieu du Secours Catholique est vraiment pour eux un lieu fraternel, ouvert à tous. La difficulté est pour moi la langue, surtout avec ceux qui ne parlent ni l’arabe, ni l’anglais comme les Syriens, les Irakiens, les Afghans etc. Parfois ils demandent à apprendre le français, c’est encore une autre occasion d’échanger. Les plus motivés, je les reçois le matin à la maison d’entraide et de ressources, lieu d’accueil et de réunions du Secours Catholique.
Je me sens bien démunie, mon désir est de témoigner de la compassion et de l’amour du Seigneur… Je prie beaucoup en pensant à eux, leurs visages me reviennent souvent et cela me conduit à les offrir au Seigneur. En priant à l’abbaye de Tamié à l’office de nuit, j’ai vécu intensément cette expérience de communion.
En dehors du Secours Catholique, je vais prés de St Omer pour accompagner une équipe CVX… J’ai commencé à accompagner des retraites à la carte au Centre du Hautmont, et à recevoir une personne pour l’accompagnement spirituel. Des liens commencent aussi à se faire avec l’équipe de la pastorale des migrants. C’est pour moi l’occasion de découvrir un autre univers du Pas-de-Calais, c’est important. Nous avons une nouvelle équipe de prêtres très ouverts à l’accueil des migrants…

Françoise

Depuis 6 ans déjà à Calais, je me rends compte que le Seigneur m’a aidée à évoluer. Après ma révolte des premiers temps Il m’apprend à accueillir mon impuissance par une grande confiance en Lui. Il a vaincu la mort, Il est plus puissant que le mal que l’on voit tant à l’œuvre ici. J’essaie de voir ce qui est beau, bon : tous ces jeunes meurtris et humiliés qui restent souriants malgré l’angoisse qui les habite ; je vois tous ces bénévoles qui donnent leur temps, leurs compétences, à longueur d’année ; je vois ces jeunes des scouts, du MEJ ou d’une aumônerie qui prennent 8 à 15 jours de leurs vacances, enthousiastes et bien conscients de recevoir autant qu’ils donnent. J’ai eu la joie, avec Agnès, d’accueillir successivement deux équipes scouts car ils n’avaient pas de lieu pour faire leur cuisine. Ce fut l’occasion de beaucoup de joie partagée. Il y a aussi toutes ces familles qui accueillent discrètement le week-end, ou pendant 1 à 6 mois, des personnes exilées de tous pays, y compris l’Ukraine. Ils partent en vacances en laissant la clef de leur maison en toute confiance aux accueillis.
Quand il pleut à torrent dans le froid et le vent et que je suis bien au chaud dans mon lit, je ne peux pas ne pas penser aux migrants à qui on a arraché leur tente, je les confie à Dieu qui seul peut les garder dans le courage. Ainsi nous sommes heureuses, Agnès et moi, d’accueillir, en urgence, une famille à la rue, envoyée par le Secours Catholique. Nous avons eu des Syriens, Afghans, Bédouines, Erythréens, avec 2 à 5 enfants, une femme africaine enceinte de 8 mois, ou bien des jeunes soudanais épuisés. Ce qui est très frustrant c’est la limite de la langue, avec les quiproquos que cela produit ; on en rit ensemble.
A l’accueil du Secours Catholique, j’aide à la couture (raccommodage et « slim » : ils veulent être à la mode avec des bas de pantalon étroits !). Je propose de faire du dessin, donne quelques soins et réponds comme je peux à leurs besoins. Assez régulièrement je participe à « l’aller vers », c’est-à-dire que nous allons sur les lieux de campements offrir café, thé et sacs poubelles, informer les nouveaux et se renseigner sur les actions de la police pendant la nuit. Pour moi, c’est très important de rester en contact avec tout ce qu’on leur fait vivre. Ils en sont très touchés. Je participe aussi à une recherche pour une sensibilisation auprès des collégiens de Calais.

Maria Vittoria

À l’appel du Secours Catholique, j’ai commencé l’année dernière une nouvelle aventure en allant vivre, dans un appartement du centre-ville, avec des jeunes en service civique pour les accompagner et favoriser leurs insertion et service auprès des exilés à Calais.
Je m’occupe aussi de l’accueil des femmes et des enfants, d’un projet d’intégration entre réfugiés et Calaisiens à travers le cinéma, de la sensibilisation dans les écoles, les associations et les groupes avec l’exposition de dessins et peintures faites à l’accueil de jour. Je fais partie du groupe décès qui s’occupe de collaborer avec les institutions et les exilés pour reconnaitre l’identité et contacter les familles en cas de décès.
Au niveau de la paroisse je fais partie d’une fraternité, qui se réunit tous les 15 jours pour prier et partager ensemble.