Jeudi Saint : quand la méditation prend forme…

Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »

Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »

Si donc moi je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
« Sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites »
Pour Bernadette T., une expérience de modelage (au cours d’une formation) se tresse avec son expérience d’aide-ménagère et le récit du lavement des pieds. Récit.
Je n’arrivais pas à m’engager dans le « processus d’intégration » visant à être « debout avec ses forces » (pour employer le jargon de l’école).
Pour une meilleure connaissance de soi, on nous suggéra d’expérimenter le contact avec l’argile. […] Après une première œuvre, la croix auxiliatrice, je voulus me représenter « debout ». Hélas, mon manque de technique m’obligea à asseoir mon « bonhomme », comme sans force ! Une fois « assis », ce n’étais plus moi que je pétrissais de mes mains : le temps d’un déclic, j’avais devant moi Madame Alice que j’avais accompagnée quelques années auparavant en tant qu’aide-ménagère. Chaque jour, elle passait son temps sur une chaise, près de la fenêtre, surveillant de son œil vif et critique le va-et-vient du quartier. Peu à peu elle s’était marginalisée ; l’abus d’alcool, le manque total d’hygiène et son caractère bien trempé avaient fait de son logement une forteresse qu’elle partageait avec son chien. […]
Après quelques années d’apprivoisement réciproque […] quant à l’hygiène, le maximum accepté par Madame Alice était un bain de pieds hebdomadaire… et encore, à condition de rester près de la fenêtre – l’appartement était pourtant équipé d’une salle de bain ! J’apportais alors à ses pieds cuvette d’eau, serviettes etc. pour réaliser l’exploit d’un minimum de toilette.
Revenons-en à mon personnage d’argile. La scène devait être complétée : une bande de plasticine devenait une cuvette et il me fallait reprendre mon service, à genoux devant Madame Alice. En quelques instants, maladroitement, je fis une deuxième silhouette, ni debout, ni assise, mais un genou en terre, prenant appui sur les pieds de mon vis-à-vis. Tandis que je faisais cela j’étais habitée par une autre Cène racontée par Jean au chapitre 13 de son Évangile. L’expérience était forte. En quelques minutes, à des milliers de kilomètres, plusieurs années après les événements, une évidence s’imposait à moi : ma façon d’être « debout », c’est de me mettre à genoux dans un service quotidien de la personne âgée ou handicapée, dans la personne d’un « petit » en qui je rencontre un frère, Visage de Dieu.
{…] Pour moi, cette attitude concrète reliée à une expérience-phare donne sens aux mille petits riens qui tissent la vie ordinaire de l’aide-à-domicile.