Les questions écologiques rejoignent de manière inattendue notre charisme. Elles nous invitent à dire à frais nouveaux une espérance possible dans un monde interdépendant.

Un service de l’espérance
Il me semble que notre charisme peut aider à dire une espérance audible face aux enjeux actuels, une espérance qui ne soit ni naïvement optimiste ni un déni de la situation.

L’espérance chrétienne – qui a médité la Passion – ne nie pas la mort à l’œuvre. Nous savons bien que cette crise est le résultat d’une infidélité au don de Dieu que nous avons accaparé et que le péché détruit toujours. Nous savons aussi que le salut advient dans la traversée de la violence des hommes, « à travers des étapes douloureuses », comme le disent nos Constitutions : un passage est à vivre, quelque chose doit mourir pour que la vie puisse rejaillir. Ainsi nous pouvons sortir de l’illusion : il ne s’agit pas, dans les pays occidentaux, de réduire notre consommation simplement pour faire durer plus longtemps un système, mais de le remettre en question en profondeur. De même, la technique ne résoudra pas seule une crise qui est aussi morale et spirituelle. Les « faux prophètes » qui disent trop vite « Paix, paix, et il n’y a pas de paix » (cf. Jr 8,11) pourraient bien être de ceux qui ne veulent rien changer.

Pour autant l’espérance nous convoque à ne jamais oublier la vie qui est promise dans cette épreuve même. Elle nous invite à ne pas nous laisser fasciner par le malheur et les catastrophes, nous rendant aveugles sur ce qui paraît déjà de signes de vie. Il nous faut regarder au-delà de ce que nous pouvons prévoir à partir du présent et des lois physiques connues. L’espérance chrétienne attend une nouveauté. Elle est du côté de Dieu qui ouvre un avenir que nous ne connaissons pas. Du neuf surgit déjà. Je pense à toutes les initiatives qui, outre leur bénéfice environnemental, ont des effets positifs sur le lien social, l’emploi… Ce « plus » est de l’ordre de la grâce. L’exemple du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) peut être un de ces signes d’espérance : pour la première fois une communauté scientifique réellement mondiale coopère et une collaboration politique se met en place – même lentement – pour valider ses travaux.

Nos constitutions nous le rappellent : attendu comme un don, cet avenir se prépare et s’ébauche dès maintenant. Cette certitude est précieuse car la crise écologique pose la question de l’agir. Certains se désespèrent de devoir « sauver la terre ». D’autres, au contraire, se demandent comment des chrétiens peuvent se mobiliser s’ils attendent ce salut de Dieu. Notre spiritualité auxiliatrice – qui dit notre collaboration attendu au salut et l’abandon à la seule générosité de Dieu – peut rappeler que notre action est requise et, pourtant, que la solution n’est pas au final dans nos mains. Le résultat ne vient pas de nos seuls efforts. Ainsi, notre action est-elle libérée de l’obsession de la réussite et du risque du découragement.

Dans Laudato Si, le Pape François insiste sur ce qui fonde son espérance malgré les constats bien sombres qu’il pose : l’homme peut encore se convertir car Dieu « n’a pas abandonné les hommes » et « leur offre les forces » pour aller de l’avant et trouver de nouveaux chemins (LS 205, 245…).

 

Dans la foi en la communion des saints

Notre foi en la communion des saints nous fait pressentir que le salut ne peut être que collectif. Cela n’est pas sans lien avec l’écologie qui, comme science des interactions entre les organismes, nous sort d’emblée de perspectives trop individualistes. Elle nous place devant un enjeu mondial, dans un monde interdépendant. Il est impossible, dans ce domaine, de prétendre « faire son salut » seul ou d’être juste tout seul, tant les responsabilités sont entremêlées.

Aussi, la crise écologique nous convie à une solidarité universelle :

– solidarité avec tous, au-delà des frontières de l’espace, car les conséquences du dérèglement climatique sont planétaires… C’est une question de justice envers les « plus oubliés » que sont les réfugiés climatiques, les Etats insulaires menacés de disparition, les pays ayant plus de difficulté à s’adapter…

– solidarité au-delà des frontières du temps et de la mort car nous devons nous préoccuper des générations à venir alors même qu’elles n’ont pas encore de voix pour se faire entendre,

– solidarité au-delà même des frontières de l’humanité car notre sort est lié à celui des autres créatures, elles aussi appelées à « avancer jusqu’au terme commun qui est Dieu » (LS 83) et envers lesquelles nous avons une responsabilité particulière.

Cette solidarité universelle appelle une action collective qui s’initie aux quatre coins de la planète : celle des grands mouvements citoyens, de « l’intelligence collective » où émerge une créativité nouvelle… Dans l’effort collectif, Dieu, qui est communion, est à l’œuvre et nous assure que cette action commune, par souci d’autrui, a des répercussions inconnues, une efficacité au-delà du mesurable, pour le bien du Corps entier de l’humanité.


Hélène Noisette