Non seulement le purgatoire existe, mais il est surpeuplé. Tel chanteur qui avait connu jadis un grand succès retrouve la faveur du public après être passé par un long purgatoire. Tel écrivain très apprécié de son vivant a été oublié, mais sort aujourd’hui du purgatoire. Tel champion handicapé par de nombreuses blessures en aura bientôt fini avec ce purgatoire…

Le purgatoire ainsi compris a-t-il quelque chose à voir avec celui dont parle l’Église catholique ? Je vois au moins deux traits communs : le purgatoire ne dure pas indéfiniment et il comporte un aspect éprouvant. Cela dit, on est encore bien loin du véritable sens que l’on découvre quand on réfléchit sérieusement sur la foi de l’Église concernant le purgatoire.

Il faut tout d’abord se débarrasser de toute une série d’images qui suggèrent des idées complètement fausses. On se représente souvent l’au-delà comme un ensemble de lieux qu’on pourrait décrire. Outre le ciel il y aurait l’enfer et entre les deux le purgatoire. Ce dernier ressemblerait beaucoup à l’enfer avec néanmoins une différence considérable : l’assurance d’en sortir un jour.

On doit aussi mettre en cause l’idée qu’on se fait de Dieu. Est-il un juge qui exige que l’on subisse une peine en réparation des fautes commises ? Faut-il l’imaginer tenant des comptes tels que nos prières et nos mérites viendraient alléger la dette des défunts ? De telles représentations ont leur source dans la tradition de l’Église, mais elles la déforment et la trahissent.

Ce qui est en cause dans la doctrine du purgatoire, c’est l’homme dans le mystère de sa rencontre avec Dieu. Or aucun homme n’est jamais totalement bon ni totalement mauvais. Pour entrer pleinement dans la relation d’amour avec Dieu à laquelle nous sommes appelés, nous avons besoin d’un ajustement, d’une « purification ». Cela peut se réaliser avant la mort. Dès ici-bas l’action de Dieu travaille nos vies et peut aller jusqu’à une sanctification radicale. Le témoignage des saints nous apprend que cette victoire de Dieu sur tout ce qui fait obstacle à son amour et à sa vérité ne va pas sans une épreuve où s’associent mystérieusement la plus grande souffrance et la plus grande joie. Telle n’est pas l’expérience de tous. A ceux qui ne sont pas « ajustés » à Dieu l’Église adresse un message d’espérance : après leur mort le pardon de Dieu pourra encore faire son œuvre en eux.

La relation à Dieu est inséparable de celle qui existe entre les êtres humains. C’est pour cela que dès les origines l’Église a prié pour les défunts et célébré l’eucharistie à leur intention. Quand on parle de la « communion des saints » on veut dire qu’il y a des liens entre tous ceux qui ont une relation positive à Dieu, qu’ils soient sur cette terre ou passés par la mort, que leur purification soit achevée ou non. On veut dire aussi qu’ils mettent en commun les biens spirituels, parce qu’ils appartiennent à un même peuple, l’humanité réconciliée en Dieu.


Christiane Hourticq

Journal La Croix
Samedi 16 – Dimanche 17 juin 2007 p. 11