Après un séjour à Naples, Ilaria partage ses impressions en découvrant cette ville.
Il y a un proverbe qui dit : « Voir Naples et puis mourir ». C’est-à-dire que la beauté de Naples est tellement incomparable qu’une fois que vous avez vu ses merveilles, vous avez vu la plus belle chose du monde.
Cet été, j’ai été envoyée à Naples dans le cadre d’une expérience de service et j’ai découvert qu’il y a en fait beaucoup de clichés attachés à cette ville et, comme d’habitude, la réalité l’emporte sur l’idée. En vivant à Rione Sanità, l’âme de la capitale, et en se promenant dans les ruelles du quartier, on touche une humanité mystérieuse et complexe. Parfois fascinante, parfois violente. La pauvreté matérielle et humaine de la population passe inaperçue aux yeux des habitants et des touristes qui partent à la recherche d’églises et de musées, de pizzas et de cafés (les spécialités culinaires). Désormais cela paraît normal. Mais quand on regarde pour contempler, la pauvreté est si évidente qu’elle peut étouffer. Ou donner de l’espérance. C’est le paradoxe. Vivre en haut – sur les collines – mais vivre « en bas » : en effet, ici les familles vivent dans les « basses » (« bassi » en italien), qui désignent des sous-sols avec des portes ouvertes sur la rue, et la vie privée devient publique. Certains appellent cela promiscuité, d’autres simplement pauvreté. Et depuis les sous-sols des bâtiments, on contemple le besoin d’espérer, de vie, on ressent la faim et la soif de justice que cette population a accumulée au cours de siècles d’histoire d’abus. Et puis, en quittant le quartier, à quelques kilomètres de là, l’air marin libère la gorge nouée et permet de respirer.
Logée chez les Sœurs de l’Enfant Marie, j’étais occupée tous les jours, d’une part avec des jeunes sri-lankais de 16 à 18 ans qui apprenaient l’italien ou le français, et d’autre part avec des prisonniers assignés à résidence dans des ateliers d’artisanat. Mais c’est la rue qui est le meilleur professeur, où j’ai pris plaisir à entrer en relation avec les gens avec une attitude humble, de pauvre, en enlevant mes chaussures comme Moïse parce que j’étais à Naples, une terre sacrée.
Malgré mes racines apuliennes (des Pouilles) et les expériences que j’ai vécues à Cosenza et à Matera dans les communautés auxiliatrices, le séjour à Naples m’a bouleversée : quand on croit connaître le sud de l’Italie avec ses défauts et qu’on voit Naples, on comprend beaucoup de choses, on voit des siècles d’injustice passer devant ses yeux et on invoque Dieu. Naples est la capitale d’un Sud qui porte les blessures de l’histoire, les abus de pouvoir subis par les monarques dans le passé et ensuite par la classe dirigeante corrompue. Naples est la capitale d’un Sud méprisé, dont la dignité a toujours été niée par le pouvoir. Naples est le portrait d’un sud de l’Italie déchiré par les blessures, mais riche en ressources, d’une beauté unique, plein de charme et d’ingéniosité, gardien d’un précieux patrimoine humain.
Mais il ne faut pas en rester là : il faut redonner aux gens la capacité d’espérer, de croire que dans la vie il ne s’agit pas de survivre, mais de vivre, leur montrer qu’une alternative existe. Et c’est notre charisme qui, dans le sud de l’Italie, me parle, me soutient et m’appelle à contempler la réalité habitée par Dieu, dans l’attente de sa venue. La réalité, il ne faut pas la fuir, mais l’habiter avec espérance parce que la population ici a le droit de retourner à la vie !