Pas d’autre chemin que celui de la réconciliation

Un père en sortie vers ses deux fils.
Christine nous partage son commentaire de l’Évangile du fils prodigue. 

Saint Paul dit que « si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu ». Pour accéder à ce monde nouveau, pas d’autre chemin que celui de la réconciliation. Car nous n’avons pas accès à ce monde nouveau par nos simples forces, ou nos seuls efforts. C’est un don de Dieu, totalement gratuit. C’est la justice de Dieu qui opère cela. Dieu nous rend juste, sans aucun mérite de notre part. Sa justice, c’est son pardon. Encore faut-il de notre côté que nous reconnaissions la vérité : nous sommes pécheurs, tous ; et qu’en nous monte un sincère désir de conversion.

C’est de cela qu’il est question dans l’Évangile.

Il nous montre en fait deux attitudes devant le péché. Les deux fils symbolisent ces deux attitudes. C’est une manière de nous dire que tout le monde est pécheur, qu’on le sache ou qu’on ne le sache pas, que l’on se croit juste ou pas… pas un d’entre nous n’échappe à cette réalité du péché. Tous, nous avons besoin du pardon du Seigneur pour accéder à ce monde nouveau que Dieu nous donne en héritage.

C’est ce que Jésus veut dire aux scribes qui récriminent contre lui en l’accusant de faire bon accueil aux pécheurs. C’est pour leur faire comprendre cela qu’il leur raconte cette histoire des deux fils.

Le plus jeune fils demande sa part d’héritage. Remarquons que le père leur partage ses biens sans discuter, dans la confiance. Il n’est ni avare, ni jaloux de ses biens. Déjà, nous pouvons deviner le vrai visage du Père. Il donne et a plaisir à donner ses biens à ses enfants. Le plus jeune de ses fils l’a deviné.

Le plus jeune fils part. L’Évangile précise ce qu’il fait, sans y insister. Le péché est une chose tellement courante dans l’expérience humaine qu’il n’y a pas besoin de s’y attarder. Tout le monde peut comprendre. Donc ce fils part loin de son Père, dilapide sa fortune en menant une vie de désordre. L’Évangile s’attarde plutôt sur les conséquences de cette attitude : l’appauvrissement, la misère, la servitude, la déshumanisation. L’appauvrissement car il dépense tout son argent en menant une vie de désordre, la misère puisqu’il n’a même plus de quoi manger, l’asservissement car il va s’engager chez un homme dur qui l’envoie garder les porcs (symbole d’impureté totale pour un juif), la déshumanisation car il n’a plus visage humain, n’ayant pour tout vis-à-vis que des porcs. Le péché nous rend esclave.

Le récit veut plutôt nous montrer le mouvement de retour de ce fils vers son père : « rentrant en lui-même », le fait d’être loin de son père lui fait prendre conscience de pas mal de choses. Sa mémoire, la mémoire du don, son intelligence qui compare la situation d’avant avec celle de maintenant, sont au service de cette prise de conscience et de la décision qui suit : retourner vers son père et confesser son péché.

Mais la pointe du récit est surtout l’attitude du père, inattendue : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers… ». Il nous faut regarder attentivement ce père, que Rembrandt a si bien rendu dans sa peinture. Le fils contre le sein du père, comme un nouvel engendrement : oui le monde ancien s’en est allé, un nouveau monde est déjà né avait dit St Paul. Quelque chose est en train de naître là. Le fils est restauré dans son identité de fils : le vêtement, la bague au doigt, les sandales, la fête… en sont les signes.

Le récit pourrait s’arrêter là, mais Jésus poursuit pour nous montrer que le fils aîné, qui se croit pur et sans faute, n’est pas meilleur que son frère. Certes la jalousie et la colère ne sont pas de belles réactions. Mais tout de même, lui n’a jamais transgressé un ordre de son père. Quel est donc son péché à lui qui s’est montré si parfait ? L’Évangile nous laisse deviner. Peut-être a-t-il vécu dans la peur de son père, dans le donnant-donnant, en tous les cas pas dans une relation de confiance et de liberté. Il nous faut bien écouter la réaction du père : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Le fils aîné avait-il perçu cette bonté et cette confiance du cœur de son père ? Probablement pas.

Ainsi le père est en sortie vers ses deux fils. Au centre du récit l’attitude de tendresse du père qui engendre son fils à une vie nouvelle. C’est ainsi qu’il sort à la rencontre de chacun de nous quand nous nous tournons vers lui et lui ouvrons notre cœur.

Évangile Luc 15, 11-32

Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.

Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.” Il se leva et s’en alla vers son père.

Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”

Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »