A l’occasion l’année de la vie consacrée,
une présentation de la Congrégation des Sœurs Auxiliatrices des Âmes du Purgatoire
lors de la messe chez les Lazaristes à Paris le dimanche 16 février 2015.

 

En nous invitant à célébrer en Eglise l’Année de la vie consacrée, le pape François désire que nous accueillions tous ensemble les grâces que porte la vie consacrée. Pour préparer ce petit mot de présentation, j’ai cherché quelle était la grâce reçue de ma Congrégation qui pouvait vous être partagée.

Sœur Auxiliatrice des Ames du Purgatoire, j’appartiens à une congrégation de spiritualité ignatienne fondée en 1856. Porter ce nom démodé du XIXème siècle, c’est porter une « mémoire provocatrice » qui met sous une lumière crue combien nos manières actuelles de penser ne comprennent plus vraiment le monde spirituel de nos prédécesseurs. Nous ne parlons plus guère de Purgatoire, de l’au-delà, de fins dernières et de jugement dernier. Nous partageons avec nos contemporains, l’épreuve d’un avenir « infigurable ». Même nos sermons lors d’obsèques chrétiennes peinent à dire le mystère de la rencontre de Dieu. On ose dire que la mort n’est pas la fin, on imagine que le défunt est déjà dans les mains de Dieu, mais qui parle encore de la purification nécessaire à la rencontre de Dieu ?

Il me faut donc revenir à l’intuition de notre fondatrice pour comprendre comment nous pouvons encore en ce temps oser confesser ce nom d’Auxiliatrice des Ames du Purgatoire et comprendre qu’il s’agit là d’une grâce pour toute l’Eglise.

 

Notre fondatrice, bienheureuse Eugénie Smet, connue sous le nom de Marie de la Providence avait pris ce nom de religieuse pour dire le visage de Dieu auquel elle croit et sur qui elle fonde sa vie. Animée d’une foi à déplacer les montagnes et d’un amour de la vie communicatif, elle attend tout de Dieu et désire en retour tout lui donner. Être la Providence de la Providence, voilà son désir profond. Un désir qui consonne avec celui de saint Paul dans la lettre aux Corinthiens lorsqu’il désire que la multitude soit sauvée.

Née d’une famille du Nord, enracinée dans une longue tradition de foi, Eugénie partage avec son temps une grande dévotion aux âmes du Purgatoire, ces défunts oubliés des vivants et souffrant en attente de Dieu. Avec son temps, elle croit qu’on peut délivrer les âmes du purgatoire par des prières ou des œuvres de charité parce qu’elle comprend la communion au corps mystique du Christ unissant tous les baptisés de ce monde et de l’autre.

Mais, Eugénie transforme cette dévotion de l’intérieur, en reconnaissant le mystère du Purgatoire, non plus comme le lieu d’après la mort où l’on souffrirait pour un temps, mais comme celui d’une expérience radicale de l’amour. Pour entrer pleinement dans la relation d’amour avec Dieu à laquelle nous sommes appelés, elle comprend que nous avons besoin d’un ajustement, d’une «purification » comme l’or au creuset. Comment ne pas éprouver le besoin d’un tel ajustement devant l’amour et la tendresse inouïe de Dieu qui est riche en miséricorde selon les paroles du psaume 32 que nous venons de lire ? En ce sens, le Purgatoire comme expérience d’ajustement est tout autant d’ici et d’au-delà. Vivants et morts, si radicalement séparés dans leur chair, se retrouvent peuple immense rassemblé dans l’attente des derniers jours, sous le signe de la Résurrection.

C’est à partir de cette intuition que Marie de la Providence fonde une congrégation ayant pour tâche principale de permettre à tous les hommes, vivants et morts, de faire l’expérience de la rencontre de Dieu comme expérience de l’amour.

 

De manière bien paradoxale, nous n’avons donc pas été fondées pour nous enfermer dans un cloître et uniquement prier pour les défunts mais pour que tous bien mystérieusement puissent rencontrer leur Dieu. Car si l’au-delà de la rencontre de Dieu est bien l’horizon de la vie humaine, alors tout homme, celui que nous rencontrons, mais aussi nous-mêmes et chacun, est promis à une rencontre définitive avec Dieu. On comprend alors que Marie de la Providence ait invité les Auxiliatrices à ne pas se lier à une œuvre particulière et à ne se laisser arrêter par aucune frontière pas même celle de la mort. La mission est universelle : « aller des profondeurs du Purgatoire jusqu’aux dernières limites de la terre ».

Concrètement dès les origines cette mission a pris une double orientation : toutes les formes d’annonce explicite de la Bonne nouvelle : catéchèse, catéchuménat, services pastoraux, théologie, accompagnement spirituel. Et toutes les formes du prendre soin des oubliés de ce monde : soin médical des malades pauvres, travail social auprès des plus pauvres, souci du développement dans les pays du tiers monde et tout particulièrement des femmes. Mais l’âme de cette mission demeure pour chacune l’expérience de l’amour transfigurant de Dieu. Un amour qui se vit conjointement dans la prière et en tout service, dans le face-à-face qui préfigure l’au-delà et dans l’humble partage de l’œuvre de Dieu ici-bas. Un amour qui se vit en communion avec les plus oubliés de ce monde et de l’autre.

Concrètement cette mission nous a entrainées très tôt vers les limites de la terre qu’était la Chine et vers les périphéries de l’oubli sous toutes ses formes. Aujourd’hui nous sommes un petit nombre de femmes (un peu plus de 500 soeurs) réparties sur quatre continents, qui parce qu’elles savent que leur vie est sous l’horizon de la rencontre de Dieu, se veulent des témoins de l’espérance, cherchent la communion, et luttent contre tout ce qui peut exclure et oublier certains. Ceci ne peut se vivre que parce que nous faisons « confiance à l’Esprit qui agit dans le monde et en nous. Il nous entraîne toujours plus loin vers un accomplissement auquel nous travaillons de toutes nos forces, mais que nous attendons comme un don. »

Puissions-nous entendre la grâce de notre mémoire lorsque nous continuons au cœur de nos eucharisties à prier pour les défunts. C’est que nous croyons en la solidarité qui nous unis tous au corps du Christ. Une solidarité qui se fonde dans l’unité du mystère eucharistique et du mystère de la communauté chrétienne telle que l’annonce saint Paul aux Corinthiens : «Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps : car nous participons tous au même Pain » (1 Co 10,16-17).