Jeanne : Accompagner les familles au funérarium

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Suivre « Jésus signifie apprendre à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre des autres, pour aller vers les périphéries de l’existence, faire le premier pas vers nos frères et nos sœurs, en particulier ceux qui sont le plus éloignés, ceux qui sont oubliés, ceux qui ont le plus besoin de compréhension, de réconfort, d’aide. » Audience générale du Pape François, 27 mars 2013.

La résonnance de ce texte avec nos constitutions me frappe beaucoup dans la mission que j’accomplis à l’« Accueil St Pierre », au Funérarium du grand cimetière municipal de Marseille. Avec toute une équipe, nous répondons aux demandes des familles qui veulent un moment de recueillement avant l’inhumation ou la crémation de leurs défunts.

Qui sont ces familles ? Des personnes qui n’ont plus aucun contact avec l’Église ; elles ignorent si elles appartiennent à une paroisse et laquelle. Elles n’ont plus aucun repaire : la parole de Dieu leur est étrangère… La seule chose qui leur reste, c’est le désir d’un temps de recueillement pour que le défunt ne parte pas « comme ça… ». Souvent aussi, elles sentent qu’ils « se reverront », que le défunt va retrouver ceux et elles qui l’ont précédé. Je reçois cela comme des pierres d’attente.

Pour ma part, j’aime ce contact avec ces personnes que je sens bien de « la périphérie » dont parle le pape François. Ce sont elles qui viennent à notre rencontre. Dans la majorité des cas, j’ai la chance de pouvoir les rencontrer avant la célébration pour préparer avec elles ce temps de prière : nous parlons ensemble du défunt, de la famille, de leur histoire, de leur vie… J’apprends d’elles à reconnaître la présence souvent bien discrète d’un Dieu amour, présent dans les gestes du quotidien – les recettes de cuisine de la grand’mère, les apprentissages du grand-père dont les petits enfants gardent mémoire, les balades dans la nature… – tant de gestes d’affection, de solidarité, de générosité, de sérieux et compétence dans le travail qui en disent long sur la qualité de vie personnelle et sociale. Je découvre la diversité de l’humanité, des milieux, des cultures, des histoires ; les richesses, au cœur même des épreuves traversées, en particulier celle, irréductible, de la mort, qu’elles affrontent.

A travers tout cela, je cherche avec elles les points d’appui du message chrétien autour de la mort. Comment parler de la vie au-delà de la mort en des termes qui parlent à ces personnes si différentes ? Comment la Parole de Dieu peut-elle donner sens ?

Nous sommes au cœur du message chrétien : c’est le moment de le transmettre. Comment le faire sans que ce soit artificiel, avec des mots qui parlent ?… Finalement, je me sers le plus souvent de leurs mots à eux, de leurs expressions… Il me semble que c’est la meilleure façon de les accueillir et de leur faire sentir telle ou telle note de la vie « au-delà » de la mort, déjà présente dans leur existence.

Une pastorale des périphéries : c’est une pastorale de l’accueil bienveillant et fraternel à l’égard de tous ; qui cherche à accueillir le poids de la vie portée par chacun ; qui est compatissante, et se garde de tout jugement… Sans masquer les difficultés, les erreurs, elle permet de mettre des mots sur les situations, d’ouvrir un chemin de libération, de reconnaissance et de pardon, d’aider à entrer dans une démarche de deuil… Là l’Esprit du Christ ressuscité est à l’œuvre… Accueillir les mots, les expériences où cette vie de l’Esprit est manifeste et le renvoyer comme en miroir en s’appuyant sur la Parole de Dieu.