Fin de vie : « Ce projet de loi travestit la réalité »

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Dans une tribune de La Croix, Anne-Solen réagit au projet de loi sur la fin de vie qui ouvre la possibilité d’une « aide à mourir ». Avec une autre théologienne, Marie-Dominique Trébuchet, elles dénoncent un euphémisme qui ne dit pas la réalité, et qui sous-tend que le geste suicidaire est « simple ».


[…] Les situations visées par ce projet de loi nous placent au cœur de la finitude des vies humaines, vulnérables et mortelles. Ce sont ces situations – et nous en avons tous en tête – où la maladie est incurable, le pronostic vital engagé à plus ou moins brève échéance, et où la souffrance fait son œuvre de destruction, altérant une à une toutes les capacités et les relations à soi et à autrui de celui qui les subit.

Ces situations nous appellent assurément à la fraternité, et à une humanité capable de faire face à cette réalité dans sa complexité, ses incertitudes et les ambivalences qu’elles suscitent. Mais à quoi cette fraternité et cette humanité nous obligent-elles ? L’intolérable, l’insupportable de la souffrance et le terrible qui s’y expérimentent, pour le malade comme pour les proches impuissants, ne peut que susciter ce cri : « C’est assez ! C’en est trop ! » Mais à quoi ce refus et cette indignation nous convoquent-ils ?

Vaincre la révolte

La réflexion de Paul Ricœur sur le mal, la souffrance, ou encore le tragique de la vie humaine dont la liberté ne s’exerce jamais que sur fond de contraintes multiples, peut nous aider à comprendre ce qui y est en jeu. […]

Fascinés par la mort-solution

[…] Dans la traversée du tragique de la maladie et de la souffrance, la société nous dira qu’une solution de mort existe là où nous demandons du soin et de l’attention, que le geste suicidaire est « simple » alors que nous sommes égarés dans la complexité. Fascinés par la mort-solution, cette dernière deviendra nôtre au mépris de notre liberté de vivre que nous ne saurons plus dire, qui ne sera plus audible… Alors, oui, osons dire que le projet de loi travestit la réalité et ouvre la voie à la brutalité du chaos.

L’importance des mots

À quoi nous convoque la souffrance ? Les mots ont de l’importance et nous aurions pu nous réjouir de voir l’accompagnement valorisé dans l’expression « soins d’accompagnement » et la création de « maisons d’accompagnement ». Mais une lecture attentive du projet de loi révèle que cela se fait au prix de la quasi-disparition de la notion de « soins palliatifs », qui sont réduits « aux soins médicaux destinés à traiter la douleur ». […]

Être présent les uns aux autres

[…] La mort n’est pas sans exercer un pouvoir de fascination, qui obnubile le regard et nous presse d’en finir. Or si la mort est bien au terme du chemin et s’il s’agit d’y consentir, c’est bien la vie encore présente qu’il s’agit de servir jusqu’à son terme en mettant toutes nos énergies à soulager la souffrance. C’est bien un vivant qu’il s’agit de regarder et d’accompagner jusqu’au passage de la mort. C’est là que nous sommes attendus personnellement et collectivement, dans les efforts humains et financiers à consentir, sans abandonner aux seuls soignants la responsabilité qui nous incombe à tous d’être présents les uns aux autres, dans la fraternité.


Pour lire l’ensemble de l’article sur le site de La Croix (23:04/2024) : Fin de vie : « Ce projet de loi travestit la réalité » (la-croix.com)