Le plaisir d’être avec le Christ.
Emmanuelle scrute les Exercices de St Ignace : y a-t-il une place pour le plaisir dans la vie spirituelle, et dans les Exercices spirituels en particulier ?
Extraits de l’article dans la revue Christus :
À vrai dire, la culture ignatienne de la fin du XXe siècle, marquée en France par la lecture lacanienne de Denis Vasse (1933-2018), nous a habitués à diriger notre regard vers le désir plutôt que vers le plaisir : le désir, toujours marqué du signe du manque, cœur battant de tout chemin humain – et donc de tout chemin vers Dieu – et concept clé qui permettrait de ne pas confondre la quête ardente vers l’Autre avec l’ivresse du plaisir et l’avidité à combler des besoins… Nous aimons ainsi présenter les chercheurs de Dieu comme des « hommes et des femmes de désir » et les Exercices comme un chemin pour chercher, trouver et s’accorder progressivement à son désir « profond », un désir qui serait indissociablement et le mien et celui que Dieu a pour moi… Alors, à côté de cette figure grandiose du désir, qu’en est-il du plaisir ? Trop petit ? Trop prosaïque ? Trop centré sur soi ? Trop suspect de confusions, de pièges et de dérives diverses pour qu’on s’y attarde dans les très sérieux Exercices ?
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Le plaisir, dans les Exercices, ne serait-il que le plaisir de ce qui se maîtrise, se contrôle, s’évalue, se relit, bref, un plaisir assez obsessionnel ? Y a-t-il place dans les Exercices pour une autre version du plaisir, une version souple, surprenante, éphémère, qui aimerait à jouer avec l’art de l’abandon cher aux spirituels et cette fantaisie « qui préfigure l’ordre de la grâce » selon Vladimir Jankélévitch ?
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Du plaisir de l’âme
Très vite dans l’expérience sont ainsi présentées au retraitant deux notions fondamentales qui, toutes les deux, ont à voir avec le plaisir. La première correspond à l’activité essentielle grâce à laquelle ce plaisir peut s’éprouver : « sentir et goûter intérieurement » ; la deuxième désigne une des formes majeures que peut prendre ce plaisir spirituel : la consolation spirituelle.
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Un plaisir singulier
Chemin faisant donc, le retraitant – à travers l’apprentissage du « sentir et goûter » et de la « consolation spirituelle » – s’initie à un plaisir spirituel qui a quelques caractéristiques.
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Le plaisir d’être avec le Christ
Le seul absolu est Dieu. C’est lui qui donne la vraie joie et lui qui travaille même en la désolation, lui pour qui je peux accepter certains déplaisirs, voire les chercher et les demander, afin de trouver ce que je cherche en vérité : sa volonté « dans la disposition de ma vie » et, avec elle, le plaisir d’être avec le Christ, en communion avec Lui.
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« Les Exercices spirituels : une partie de plaisir ? », in Christus n°184, octobre 2024, Vivre, quel plaisir !, pages 45 à 52