Céline : Enseigner autrement

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Après avoir enseigné plusieurs années l’électronique dans un lycée de la région parisienne, j’ai changé complètement de public et j’ai rejoint l’ICAM (Institut Catholique d’Arts et Métiers) de Lille. Je me suis toujours intéressée à la manière de transmettre ma matière aux jeunes, comment les rejoindre là où ils en sont pour les faire grandir, leur permettre de monter en compétences et en savoir.

Ce qui m’intéresse surtout à l’ICAM c’est le croisement entre l’enseignement technique de qualité et l’accompagnement des étudiants selon la pédagogie ignatienne pour former des ingénieurs qui prennent du recul, s’interrogent sur leur place dans le monde et cherchent à écouter leur désir profond avec toute la fougue de la jeunesse.
Je suis arrivée en même temps que l’ouverture d’un nouveau parcours de formation pour des jeunes bacheliers qui souhaitent devenir ingénieurs mais pas en passant par le modèle classique des classes préparatoires, des grandes promotions. Ce parcours s’appelle le «parcours ouvert», ouvert à des profils variés d’étudiants intéressés par une dimension créative et internationale dans leurs études. J’ai tout de suite été attirée par cette nouvelle manière d’enseigner : peu de cours classiques et beaucoup de travail en groupe, en projet, autour de problèmes à résoudre. L’enseignant n’est plus le «prof» au tableau qui «fait cours», mais plutôt un tuteur qui questionne, aiguille, accompagne. C’est un travail exigeant de changer de posture, mais lorsque j’ai entendu les étudiants de ce parcours dirent que, pour la première fois, ils ont l’impression d’apprendre pour eux et pas pour la note ou pour faire plaisir au prof, je me suis dit que cela valait la peine de continuer. Cette autre manière d’enseigner nous oblige à lâcher la position de celui qui sait pour entrer dans la posture de l’accompagnateur qui écoute d’abord les questions des étudiants, leur manière d’aborder un problème. Il peut ainsi les guider et les aider à se poser les bonnes questions pour définir les connaissances qui leur manquent et résoudre le problème. Cela me stimule et me motive pour oser tester de nouvelles approches et pour me poser à moi aussi les bonnes questions sur ce qui peut aider les étudiants à progresser.

L’autre aspect de l’ICAM qui me rejoint particulièrement est l’accompagnement des étudiants dans leur projet personnel et professionnel en s’inspirant de la pédagogie ignatienne. D’une part, j’accompagne les étudiants de 3ème année pour la préparation de leur expériment : quatre mois de juin à septembre qu’ils sont libres d’organiser comme ils le souhaitent. Ils ont a trouver un fil rouge qui leur permette de mieux se connaître et de développer leur personnalité. J’essaye de les aider à réfléchir d’abord à ce qui les motive profondément, à ce qu’ils aiment et à ce qu’ils voudraient vivre avant de se précipiter sur une destination et un contenu. Il s’agit de les aider à regarder la finalité de ces quatre mois avant de chercher par quels moyens concrets ils pourront atteindre cette fin, et ensuite de les soutenir dans la réalisation concrète de l’expérience, et bien sûr on termine par une relecture au retour !
D’autre part, j’accompagne aussi les sessions de 5ème année, intitulées « acteur de ma vie, responsable de mes choix ». Il s’agit de prendre trois jours à l’écart pour relire sa vie et ses choix et pour réfléchir aux choix à venir. La session est faite de petits exposés qui donnent des outils pour discerner, de temps personnels et de temps de partage en groupe. C’est très heureux de participer aux questionnements des étudiants et de les écouter dans le cadre de l’accompagnement personnel proposé pendant la session. C’est aussi l’occasion de se découvrir autrement autour d’un film, d’un jeu de société ou au cours d’un repas. Ces sessions proposent un apprentissage du discernement à la manière ignatienne, sans parler de Dieu, pour pouvoir accueillir tous les étudiants quel que soit leur positionnement par rapport à la foi. Pour moi, cet accompagnement à l’ICAM se croise avec mon expérience d’accompagnement spirituel de personnes en retraite selon les Exercices de Saint Ignace ou dans la vie ordinaire. L’un et l’autre m’invitent à creuser ma manière d’introduire d’autres au discernement et nourrissent ma vie spirituelle et ma propre manière de discerner pour moi-même.